Réparation du préjudice environnemental

Application de la nomenclature des préjudices environnementaux

Sur la base des travaux d’un groupe de travail mis en place en 2006 par la Cour de Cassation, une nomencla- ture des préjudices environnementaux a été publiée en 2012. Cette nomenclature repose sur une classification bipartite des conséquences préjudiciables à l’environnement (préjudices causés à l’environnement, d’une part, et préjudices causés à l’homme, d’autre part).

La cour d’appel de Nouméa a tenu compte de cette nomenclature pour rendre sa décision s’agissant d’une fuite de 40 000 litres d’acide sulfurique provenant d’une usine de nickel et causant d’importants dommages à un lagon classé au patrimoine mondial de l’humanité. La Cour reprend les distinctions entre préjudice causé à l’environnement et celui causé à l’homme. Au titre des préjudices causés à l’environnement, les juges retiennent l’atteinte causée aux eaux, aux milieux aquatiques et à leurs fonctions, ainsi que l’atteinte aux espèces et à leurs fonctions. Au titre de ceux causés à l’homme, elle distingue les préjudices résultant de l’atteinte aux services écologiques, notamment les services culturels, et les préjudices résultant de l’atteinte à la mission de protection de l’environnement, qui se caractérisent par l’anéantissement des efforts déployés par les associations pour accomplir leur mission. La Cour évalue le préjudice à un montant global de 130 000 €, dont 80 000 € pour le préjudice causé à l’environnement et 50 000 € pour celui causé à l’homme.

CA Nouméa, CA corr., 25 févr. 2014, n° 11/00187

Obligation pour le juge judiciaire d’évaluer le dommage

A propos de l’évaluation du préjudice résultant d’une pollution par hydrocarbure d’un estuaire suite à une rup- ture de tyauterie de la raffinerie de Donges dans l’estuaire de la Loire, une cour d’appel avait refusé l’indemnisa- tion sur des motifs liés à l’insuffisance ou à l’inadaptation du mode d’évaluation proposé par la Ligue pour la pro- tection des oiseaux (LPO). Ainsi , la cour d’appel avait rejeté la demande d’indemnisation de la LPO en retenant, d’une part, que celle-ci l’a d’abord chiffrée sur la base d’une estimation, par espèces, du nombre d’oiseaux détruits alors que cette destruction n’est pas prouvée, d’autre part, qu’en évaluant son préjudice sur la base de son budget annuel de la gestion de la baie de l’Aiguillon, la partie civile confond son préjudice personnel et le préjudice écologique, ses frais de fonctionnement n’ayant pas de lien direct avec les dommages causés à l’environnement.

La Cour de cassation casse cet arrêt en soulignant qu’il incombait à la cour d’appel, de chiffrer, en recourant, si nécessaire, à une expertise, le préjudice écologique dont elle avait reconnu l’existence ; il revient donc au juge judiciaire d’évaluer le préjudice, quitte à faire appel à un expert, et non au demandeur de le faire.

Cass. crim., 22 mars 2016, n° 13-87.650

Indemnisation du préjudice environnemental à la suite de pollutions en zone humide

Il a été jugé qu’un parc naturel régional peut prétendre, de par sa mission légale, à l’indemnisation d’un préju- dice environnemental subi par le milieu naturel. En l’espèce, une usine de conditionnement de produits phy- tosanitaires (la SOFT) avait laissé s’écouler dans la mer de l’insecticide qui a atteint l’étang de Bages-Sigean. Le parc naturel régional de la Narbonnaise en Méditerranée a saisi le TGI de Narbonne pour obtenir réparation des atteintes au patrimoine naturel résultant de la pollution des eaux. Le tribunal juge que le PNR, compte tenu de sa mission légale, en l’état des dommages causés par une société au patrimoine naturel compris dans son périmètre, justifie donc d’un intérêt direct à obtenir réparation du préjudice environnemental subi par le patrimoine naturel du parc.

TGI Narbonne, 4 oct. 2007, n° 935-07

Indemnisation du préjudice environnemental à la suite de travaux en zone humide

A la suite de travaux réalisés par une commune, dans le cadre de l’aménagement d’un parc animalier, sur une surface de 52 ha de prairies (zone des Palujous), 10 ha de zones humides ont été drainés sans autorisation. Le juge estime que le préjudice moral invoqué par l’association requérante résulte pour l’essentiel de la carence de la commune à remettre rapidement en l’état le site détérioré à compter de l’atteinte de la zone, ce qui ne pouvait résulter de simples travaux d’entretien de la part du gestionnaire du site. En mettant en oeuvre des travaux de modification du profil en long ou en travers d’un cours d’eau et d’assèchement d’une zone humide sans avoir sollicité ni obtenu les autorisations nécessaires, la commune a commis une faute de nature à engager sa respon- sabilité.

Eu égard aux nombreuses actions menées par l’association et aux efforts déployés, de manière générale pour la protection de l’environnement et des zones humides, et tout particulièrement en ce qui concerne la préserva- tion de la zone des Palujous, l’inaction de la commune, qui s’est toujours abstenue de mettre en oeuvre dans un délai raisonnable des mesures de réhabilitation de la zone, favorisée par l’inertie initiale du préfet dans la mise en oeuvre de ses pouvoirs de police, a nécessairement eu pour effet d’entraver directement l’accomplissement par l’association de son objet statutaire et de porter notamment atteinte à la crédibilité de son action et aux intérêts qu’elle s’est donnée pour mission de défendre. Le juge accorde donc 3 000 € à l’association requérante au titre de son préjudice moral.

TA Rennes, 25 mai 2020, n° 1800966

A la suite d’un remblai de zones humide par des matériaux potentiellement polluant séparant un plan d’eau d’une platière, le juge condamne solidairement la société responsable des travaux à verser :

-    à la LPO, la somme de 2000 euros au titre du préjudice moral ;

-    au syndicat mixte du PNR des caps et marais d’Opale, la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral et la somme complémentaire de 2000 euros au titre du préjudice lié à l’atteinte à son image et sa réputation ;

-    à la commune, la somme de 2000 euros au titre du préjudice moral et la somme complémentaire de 2 000 euros en réparation du préjudice lié à l’atteinte à son image et à sa réputation.

CA Douai, 31 août 2021, n° 20/01893

Cass. crim., 22 nov. 2022, n° 21-85.493

Page mise à jour le 30/08/2023
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